D'une session à une autre, du lancement de l'Université virtuelle à l'exposition d'œuvres de nombreux peintres, d'une conférence sur le journalisme économique à un séminaire sur le e-marketing, la Fondation ONA poursuit assurément un cycle d'activités scientifiques dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles tombent à point nommé : elles sont au cœur d'une problématique, le développement et la croissance qui interpellent responsables politiques et chefs d'entreprises. Ce n'est pas une coïncidence, mais une conjonction heureuse entre des attentes exprimées ici et là et la réflexion discursive proposée par les responsables de la Fondation de l'ONA. C'est surtout une volonté affichée d'être en phase avec son temps, de traduire une évolution en tant qu'acteur et non en spectateur, de fournir aux Marocains les éléments d'une matrice qui révolutionne chaque jour l'économie.Le forum organisé jeudi à Casablanca sur le thème, d'une actualité brûlante, «Le e-marketing au service du développement économique», s'inscrivait bel et bien dans une telle vision. Il avait ceci de particulier, également, qu'il a exigé une journée entière d'échanges et mis face-à-face - ou côte à côte - des personnalités nationales et internationales, renforçant pour ainsi dire un débat de qualité sur les nouvelles technologies et leur application à l'activité économique et commerciale. La présence, entre autres, de deux experts internationaux de renommée, Thomas Paul Stevenson et Parnell Woodard, venus tout droit des Etats-Unis, non seulement a illustré une ouverture interdisciplinaire caractéristique aux forums internationaux, mais permis aux participants d'écouter des exposés sur des expériences concrètes, comme celle de Buick, et sur un vécu conceptualisé à la limite d'une théorie commerciale.Thomas Paul Stevenson est lauréat de Harvard Business School et de la John Fitzgerald Kennedy School of Government. Son parcours de consultant international, après avoir exercé des fonctions de management, est impressionnant puisqu'il a travaillé auprès d'importantes institutions comme Solvay, Booz, Allen & Hamilton, William Kent International et Washington Post/Newsweek Interactive. Parnell Woodard, qui a ébloui l'assistance avec une prestation sur le processus modèle de marketing en faveur de la voiture Buick aux Etats-Unis, est, quant à lui, fondateur et dirigeant du cabinet «Emerge Partners» et passe pour être un expert reconnu en matière de «Business to Business», en conseillant notamment des groupes comme Motorola et Xerox. Laborieuse, studieuse, entrecoupée seulement par une pause d'une heure où le partage d'un repas de midi symbolisait un autre partage, celui d'une forte convivialité, la journée de réflexion et de débats a été marquée par la présence de plusieurs personnalités.Il s'agit notamment de Salaheddine Mezouar, ministre du Commerce, de l'Industrie et de la Mise à niveau de l'économie, Saâd Bendidi, président du Groupe ONA, Rachid Slimi, président de la Fondation ONA, Mohamed Benchaâboun, directeur général de l'ANRT, Rachid Benmokhtar, ancien ministre et président de l'Université al-Akhawayn, Mehdi Mimoun, ambassadeur et directeur des études et de la coordination sectorielle au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération, Jamal Eddine Jamali, directeur de la production industrielle au ministère du Commerce et de l'Industrie, Naîm Tamsamani, fraîchement nommé directeur général de Casa shore, Othman Chérif Alami, P-DG de Atlas Voyages, Abbas Azzouzi, directeur général de l'ONMT, Nezha Lahrichi, présidente-directrice générale de la SMAEX, Mohamed Fikrat, directeur général de Cosumar et Mohamed Kettani, directeur général de Attijariwafa bank. Deux grands moments ont décomposé la journée, constituée de quatre panels axiomatiques que Noureddine El Hachami, directeur du Centre d'analyses socio-économiques de la Fondation ONA et Khalid Belyazid, directeur général du groupe L'Economiste ont animés tour à tour : «L'utilisation de l'Internet pour l'attraction des investissements étrangers» a constitué le premier panel.Il a été suivi par «L'usage de l'Internet pour la promotion des offshoring activities», ensuite du thème du «Développement du tourisme et sa promotion par le biais de l'Internet», enfin par celui de «L'outil Internet au service du commerce extérieur». Dans la matinée, après l'allocution d'ouverture prononcée par Rachid Slimi, président de la Fondation ONA, deux exposés majeurs ont donné le ton ; le premier, fait par Salah Eddine Mezouar, déclinait les lignes de force du «Plan Emergence comme choix stratégique pour le Maroc», le second, par Mohamed Benchâaboun, plaidait «L'aménagement du cadre favorable aux pratiques du Web marketing». Ils étaient relayés par les deux professeurs américains Stevenson et Woodard qui ont développé, chiffres et arguments à l'appui, le thème de «L'usage de l'Internet comme outil stratégique de marketing», et son application au Maroc.Avec pédagogie et un savoir-faire communicatif, ils ont développé devant une assistance passionnée le modèle de vente élaboré pour Buick, dont le processus peut parfaitement être appliqué à un secteur comme le tourisme marocain. Un processus qui concerne tout achat et toute acquisition où se croisent deux données essentielles : la volonté de l'acheteur et la disponibilité du produit. Cinq phases ont été minutieusement décrites et détaillées.Elles forgent la décision. Il y a d'abord celles du shopping passif, du shopping actif, puis du post-achat, de la fidélisation du client et enfin, du re-shopping actif. Parnell Woodard, tout à sa grande rigueur intellectuelle, a précisé une hausse de l'ordre de 600 % des ventes via Internet de voitures, le système reposant en effet sur le cumul d'informations que les clients recherchent en accédant au web. La source de l'e-marketing est bel et bien là, dans cette adéquation entre le désir du consommateur et la possibilité pour lui d'accéder aux sources d'information fiables et convaincantes.Le Maroc, que 2.295 citoyens américains visitent en moyenne chaque jour sur le web, devrait renforcer son lobbying et intégrer le grand marché numérique mondial. Non qu'il consacre, comme les Etats-Unis, quelque 20 % du budget à l'e-marketing, mais qu'il consolide l'aptitude de ce segment des 30 à 40 ans qui comprend les consommateurs assidus désormais de l'Internet. L'impact du e-marketing sur l'économieA première vue, le thème de «e-marketing au service du développement économique du Maroc» pouvait s'apparenter à un de ces sujets à la mode, nourrissant les discussions des start-up en mal d'ancrage.Que non ! Il est à l'image du nouveau monde qui émerge, c'est le cas de le dire, avec son architecture inédite, une tectonique du commerce international dont on ne soupçonne guère les soubassements, un basculement géoéconomique et l'accentuation des fractures technologiques. Ouvrant les travaux, Rachid Slimi a d'emblée affirmé «qu'il s'agit moins d'une définition du marketing ou de l'Internet, que de mesurer l'impact de ses applications sur l'économie nationale». Devant le flux abondant et incessant de l'information qui caractérise le monde de nos jours, il convient de prendre la mesure des outils que sont le e-marketing et l'Internet.Comme aussi des secteurs qui constituent une priorité, à l'instar du tourisme, champ privilégié d'application s'il en est. L'Internet, fil magique des temps modernes, permet aux Américains d'être connectés chaque jour avec la réalité marocaine à raison de quelque 2.250 visites, alors que pour la Belgique, c'est 1731. Chiffres indicatifs qui disent tout autant la distance que la proximité maroco-américaine…Salah Eddine Mezouar, tout à sa rigueur imprégnée d'optimisme, a fait un plaidoyer pro domo de ce qu'il appelle le premier pilier du programme Emergence, autrement dit l'offshoring que le gouvernement met en œuvre à l'horizon 2010. Il a rappelé non sans émotion que cette journée coïncidait avec sa nomination par S.M. le Roi Mohammed VI, il y a deux ans jour pour jour, au poste de ministre du Commerce, de l'Industrie et de la Mise à niveau de l'économie.Il a ainsi décliné quatre axes stratégiques et complémentaires : l'offshoring ou délocalisation de services ; les med-zones (sous-traitance industrielle) articulées sur l'industrie automobile, l'électronique de spécialité et l'aéronautique ; l'activité agroalimentaire avec la transformation des produits de la mer (TPM) ; et enfin, le textile.S'il s'est prêté à exposer l'architecture qui joue le rôle de veine jugulaire du plan Emergence, il n'en a pas pour autant dévoilé la teneur entière, soulignant la mise en place, dans le cadre de l'offshoring, de quatre plateformes à Casablanca, Rabat, Tanger et Marrakech ; dans le cadre des med-zones, de trois pôles en équipements automobiles, électroniques et aéronautiques : Tanger Automotive City, Tanger Electronic City, aéronautique Nouaceur et Marrakech. Ensuite, des agro-centers à Meknès, dans le Gharb, le Souss-Massa-Drâa, l'Oriental et Marrakech-Tensift-el Haouz.La plateforme de transformation (fishing transformation hub) concerne Agadir, Dakhla et Lâayoune.Le pôle de Casashore et le marché des BPOL'offshore dans le monde générera dans un an la bagatelle de 346 milliards de dollars. Le volet informatique croît à hauteur de 31 %, il implique une croissance exponentielle en termes de ressources humaines, de centres de relation clientèle, d'archivage et documentation, de services financiers, d'éducation à distance, de design et ingénierie, etc.A l'appui de sa démonstration, M. Mezouar rappelle que «l'offshoring a révolutionné l'économie indienne, qui a représenté aux alentours de 75 % du marché de BPO mondial au niveau des services financiers à fin 2002, et la demande en BPO va croissant en Europe, privilégiant en effet les destinations francophone et hispanophone». «De ce fait, estime-t-il, le Maroc devrait être perçu comme une cible privilégiée des 10 milliards d'euros mobilisés dans le cadre de BPO.» Et c'est pourquoi le programme Emergence articule son déploiement sur l'offshoring/nearshoring francophone et hispanophone, avec 3 filières banque et assurance, 6 autres administratives et trois informatiques enfin, en plaidant naturellement la proximité géographique du Maroc avec l'Europe, l'assimilation des véhicules linguistiques, la disponibilité de la main-d'œuvre.Casa-shore est déjà lancé, suivi des autres sites. Un prix stimulant est proposé aux opérateurs, soit 7 à 8 euros le mètre carré ; l'IGR ne dépassera guère les 20 % pour l'entreprise, les jeunes diplômés qui s'y risqueront seront exonérés pour un temps, bénéficiant d'une aide financière à l'installation, d'un IS à 0 % et des droits de douane à 2,5 %.Une « prime aux pionniers » est envisagée pour les premières entreprises installées. Salah Eddine Mezouar n'avait pas assez de mots convaincants et forts pour dire à quel point le plan Emergence est aujourd'hui la cheville ouvrière de la relance tous azimuts de l'économie nationale.Centrant son intervention sur les télécommunications, Mohamed Benchaâboun, directeur général de l'Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT), a souligné d'emblée que «l'Internet a bousculé toutes les situations acquises» ! Il a rappelé que depuis la grande réforme des télécoms de 1997, s'est dessinée une vision de l'offshoring et de l'information on-line, parce que tout simplement le Maroc est l'un des tout premiers pays à favoriser le développement des nouvelles technologies. M. Benchaâboun estime que la croissance en 5 ans a été de 20 % par année. Il y a 13 millions d'abonnés au GSM et 44 % de taux de pénétration.Dès 2007, le Maroc aura trois opérateurs de téléphonie mobile, ils renforceront les deux opérateurs du fixe, inscrivant ainsi notre pays dans le schéma du «service universel». Soucieux également d'intégrer sa réflexion dans le thème du séminaire, il a précisé que l'Internet en particulier et les nouvelles technologies en général connaîtront un développement accéléré au Maroc dans les prochaines années. Un fonds spécial est créé à cet effet, mobilisant pour commencer quelque 500 millions de dirhams pour favoriser l'implantation de l'Internet dans les écoles, les lycées, les instituts et les collèges. Un programme qui concerne environ 8.600 établissements, 6 millions d'élèves appelés à consulter la toile à raison minima de 2 heures par semaine.Annonçant également l'arrivée au Maroc de la troisième génération du mobile, avec ses caractéristiques et ses offres en tree-play, il a déclaré qu'au niveau des établissements scolaires quelque 40.000 PC sont d'ores et déjà déployés.Diplomatie économique et tourismeL'ambassadeur Mehdi Mimoun, jusqu'à l'année dernière en poste à Pékin, s'est appliqué, lui, à mettre en relief les efforts que l'administration marocaine déploie pour développer la «diplomatie économique» et, ce faisant, se mettre à jour en ce qui concerne les nouvelles technologies. Son intervention, suivie et relayée par une discussion, a porté sur la nécessité de mettre à la disposition des investisseurs étrangers les moyens d'information économique nécessaires, via l'Internet et l'e-marketing.L'avenir de l'offshoring et du tourisme en dépend à coup sûr. L'exposé de Othman Chérif Alami, émaillé d'humour et de détails chiffrés, a retracé le parcours du tourisme marocain à la lumière de cette nouvelle révolution, le e-marketing qui déferle sur les continents et dont le tourisme marocain ferait bien de prendre l'exacte mesure. C'est dire que les prestations du tourisme se font désormais par le biais de l'Internet et qu'en amont, une grande campagne de e-marketing les précède. A l'évidence, on rejoint, dans ce panel, les recommandations de Thomas Paul Stevenson et Parnell Woodard qui n'ont de cesse de souligner que le e-marketing ne remplace pas le marketing, mais qu'il faut «créer une convergence» entre les deux impératifs, la demande et l'offre.Chérif Alami est allé droit au but : «le tourisme, dit-il, est le premier secteur présent sur le web. 70 % des transactions se font par le net, 84 % des réservations de billetterie, 78 % des réservations d'hôtels, 60 % des réservations de location de voiture, 33 % des billets de spectacles et plus de 47 % consultent les sites des agences de voyages et des Tour Operators…». Et l'humour toujours chevillé au corps, Othman Chérif Alami de prévenir : «ceux qui choisissent d'ignorer les transactions électroniques le font à leurs risques et périls…Ils seront dans la position "lost destination mais pas dans easy destination"». Selon lui, la Vision 2010 n'a pas encore intégré complètement le Net, parce que le problème du retard de paiement online sécurisé n'a pas encore été réglé pour les entreprises, quand bien même un projet de loi à cet égard serait en discussion parlementaire et que quelques banques sur place - lancées dans la dématérialisation documentaire et l'authentification de la signature électronique -, opérant aussi leur propre révolution en la matière, le mettent en œuvre… Outre le haut débit et la sécurité de paiement électronique, les opérateurs du tourisme réclament également, dans le cadre de leur restructuration technologique, des taux compétitifs des coûts financiers, la possibilité d'offrir des solutions B2B et B2C vingt-quatre heures sur vingt-quatre, la participation à la mise en œuvre de l'e-promotion 2010-2020.Vendre c'est bien, mais être payé c'est encore mieuxMme Nezha Lahrichi s'est appliquée quant à elle à présenter le modèle de site web installé par la SMAEX, qui est autant un promoteur qu'une véritable niche d'opportunités pour les opérateurs et exportateurs. La Société marocaine d'assurance à l'exportation s'adapte et adapte sa démarche au phénomène de la mondialisation – dont l'e-commerce incarne le «bras armé». «Mondialisation et Internet sont liés», assure-t-elle et l'exportateur est forcément à l'écoute du monde, il en bénéficie.Dans sa quête d'informations sérieuses, il recourt à l'Internet parce que celui-ci bouscule désormais l'organisation mondiale, au niveau du commerce, de la productivité, et décompose la traditionnelle chaîne de valeurs. «On entre désormais dans un segment de l'intelligence» ! Parce que l'Internet baisse les barrières traditionnelles et parce qu'on a affaire aujourd'hui à une nouvelle race d'investisseurs. La mission de la Smaex est de garantir la pérennité aux exportateurs, car «vendre c'est bien, mais être payé c'est encore mieux..» conclut-elle.Nezha Lahrichi, qui n'a pas quitté son accoutrement de professeur d'économie mais qui est tout autant sensible à l'évolution du monde, appelle à une véritable veille économique, dans cette tradition nouvelle qu'on appelle «l'intelligence économique», et souligne que c'est là le rôle de son agence qui compte quelque 18.000 entreprises. L'exposé de Mohamed Kettani, directeur général de Attijariwafa bank, concluait en apothéose une journée de réflexion riche et dense. La banque, qu'elle soit publique ou privée, est plus que jamais interpellée.Et Attijariwafa bank a d'ores et déjà anticipé le mouvement dans l'instauration de règles d'une culture de la toile pour les clients et les investisseurs, d'innovations technologiques et de partenariats en la matière. Il revenait à Noureddine El Hachami de clôturer un forum dont les interventions, les unes aussi riches que les autres, se sont succédées et croisées dans une logique didactique. Le choix du thème, «Le e-marketing au service du développement économique du Maroc» constitue une opportunité indéniable et inédite pour les opérateurs et les universitaires. Il a valeur de symbole parce qu'il ouvre de nouvelles perspectives aux modèles de gestion. Quatre millions d'internautes au Maroc ! C'est dire le poids croissant d'une émergence sociale réelle. La Fondation ONA a assumé une mission de pédagogie collective, donné la possibilité aux uns et aux autres d'entrer dans cette sphère de la technologie la plus exigeante, d'accéder enfin au processus de gestion technologique qui caractérise le nouveau monde avec son pendant naturel, une démocratie mondiale à la mesure des performances économiques globalisées.
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