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2006-05-03

Ne faudrait-il pas nationaliser Clearstream

Depuis l'origine -- fin des années 80, début des années 90 --, Clearstream est, du point de vue technique, une chambre de compensation. C'est un intermédiaire indispensable entre divers agents économiques qui s'échangent des instruments financiers (devises, titres, lignes de crédit...) dématérialisés.

Le métier de Clearstream, c'est de constater par exemple une transaction entre un acheteur et un vendeur, et de s'assurer que le débit et le crédit correspondent bien aux termes convenus entre les deux parties.
L'une des missions premières d'une chambre de compensation est non seulement d'enregistrer des mouvements de capitaux entre établissements bancaires mais également d'en conserver une trace, au cas où... Cependant, pour de nombreux clients dont la discrétion est le coeur de métier (voire une nécessité absolue dans certains cas), "les traces... voilà l'ennemi".
Clearstream -- parce qu'aucune législation ne l'empêche au Luxembourg -- propose l'effacement informatique des transactions, moyennant finances naturellement.
Le véritable problème ne se résume pas à la perte de "traçabilité" ni à un trafic d'anonymat -- ce qui constitue en soi une pratique extrêmement choquante, alors que les réglementations qui s'appliquent au citoyen lambda lui interdisent de déplacer d'un pays à l'autre plus de quelques milliers d'euros.
Clearstream sert d'interface entre des centaines de milliers d'adhérents -- qui devraient être tout au plus quelques milliers sur la planète. Cela englobe en fait toutes sortes de catégories de clients -- personnes privées ou personnes morales -- auxquelles les législations respectives de la plupart des pays signataires des accords de l'OMC interdisent d'utiliser directement ces services.
Il n'est pas question de se présenter au guichet de Clearstream avec un faux passeport de banquier et une mallette de billets usagés dont les numéros ne se suivent pas. Il suffit de se dissimuler derrière une société écran ou une fiduciaire inscrite dans un paradis fiscal... et le tour est joué.
Clearstream est devenu, dans les faits, un intermédiaire incontournable pour le versement de commissions occultes, l'évasion fiscale et des transactions secrètes portant sur des montants colossaux, lesquelles échappent ainsi au contrôle des banques centrales (qui ne protestent guère !) : un vrai trou noir de la finance internationale.
Dans de telles conditions, les capitaux qui transitent via des chambres de compensation telles que Clearstream peuvent au besoin cesser d'avoir une existence aussi bien physique que légale. Une fois qu'ils disparaissent des écrans de contrôle du pays d'origine, ils peuvent (ou non) ressurgir quelque part dans l'univers... Mais de toute façon, nul n'a les moyens de découvrir se qui se passe au-delà de la ligne d'horizon informatique du trou noir.
Et puisqu'il n'y a pas moyen de le savoir, on peut également tout supposer ! C'est ce que ne manquent pas de faire les juges une fois que des "indiscrétions" (comprendre les efforts d'un délateur) portent à leur connaissance des mouvements de capitaux illicites et le nom des initiateurs ou des bénéficiaires.
Toute la difficulté consiste ensuite à établir si des numéros de compte apparemment authentiques correspondent bien aux propriétaires désignés. Le seul moyen est de procéder à des recoupements, ce qui suppose commissions rogatoires et perquisitions, aussi bien au domicile que sur le lieu de travail des personnes dénoncées. Une fois la machine judiciaire lancée -- avec dans son sillage un cortège de fonctionnaires de police en uniforme -- la présomption d'innocence ne pèse pas bien lourd.
Rien de tout ceci ne serait possible si, dès l'origine, une transparence absolue -- et garantie par des directives européennes draconiennes -- régnait en matière de flux financiers transitant via des établissements de clearing privés situés au sein de l'Union Européenne. Si les textes de loi s'avèrent inopérants, et compte tenu des enjeux financiers colossaux (des milliers de milliards d'euros ou de dollars s'échangent certains jours), la solution ne consisterait-elle pas à "nationaliser" ce genre d'entreprise pour en confier la gestion à une administration ad hoc, à l'image de la police ou de la justice, qui refuserait toute transaction impliquant des capitaux dont l'origine apparaîtrait douteuse ou frauduleuse ?
La Bolivie s'apprête à nationaliser l'ensemble de ses ressources naturelles pour faire cesser le pillage des richesses de la nation (l'équivalent de plusieurs centaines de millions de dollars par an) ; le Luxembourg ou l'Europe ne pourraient-ils se mobiliser pour empêcher qu'un phénomène d'évasion fiscal massif -- certes moins visible qu'un puits de pétrole ou une torchère sur un gisement gazier -- n'appauvrisse nos vieilles démocraties de plusieurs dizaines de milliards d'euros par an ?
Mais les autorités de Bruxelles ne semblent pas pressées d'agir : cela peut se comprendre puisque aucun texte ne leur en donne les moyens.
Plus étonnant encore... cela ne semble même pas faire débat dans la presse, car le seul fait d'enquêter sur ce genre de dossier sulfureux (blanchiment d'argent sale, commissions occultes, transactions secrètes entre diverses filiales de multinationales dont Enron ou Parmalat furent de beaux exemples...) débouche souvent sur une avalanche de procédure judiciaires en diffamation -- le genre de riposte le plus souvent abusive qui discrédite partiellement les journalistes jusqu'à la relaxe qui survient dans 98% des cas... et peut priver leurs employeurs de juteuses recettes publicitaires.
Philippe Béchade,
Le Pro de l'achat malin sur le net

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